• Le phénix

    Je ruisselle de sueur sous le soleil de mercure

    Qui écorche le sable rouillé de mon désert ;

    A chaque pas je m’enlise un peu plus dans les murmures

    Du paradis ; dans ma tête résonne le parfum de l’enfer.

     

    Le vent acide brûle en hurlant mon visage.

    Soudain je m’écroule, déchirée par mes hallucinations ;

    Je ne veux plus avoir la misère pour unique paysage,

    Je ne veux plus avoir mon esprit pour unique compagnon.

     

    Mon instinct qui hurle – Je ne veux pas mourir ici !

    Ne suffit plus à faire bouger mes muscles endoloris ;

    Mon esprit se joint à eux et susurre – Peut-être que dormir

    Serait plus agréable que d’éternellement souffrir…

     

    Je ferme les yeux ; peu à peu le givre

    De l’isolement enveloppe mon corps fatigué.

    Soudain un oiseau que je n’avais vu que dans les livres

    Se pose doucement sur ma poitrine gelée.

     

    Tandis que j’essaie de me rappeler le nom du volatile,

    Celui-ci, à coups de bec fébriles,

    Commence à briser mon cercueil de glace, pourtant si luisant…

    Ah ! C’est un phénix. Je m’en souviens maintenant.

     

    Ses ailes de feu qui resplendissent d’espérance

    Ressemblent à un soleil au cœur de la nuit noire.

    Ses purificatrices larmes de lumière qui dansent

    Devant mes yeux me guérissent du désespoir.

     

    Je me relève péniblement, chancelante,

    Hébétée par l’apparition de cet étrange oiseau.

    Il époussète ses ailes flamboyantes,

    Puis me murmure ces mots :

     

    « Il est temps pour tes nuages orageux

    De se consumer sur le bûcher du bonheur.

    Je suis sûr que si tu attends un peu,

    De ta couronne d’épines éclora la plus belle des fleurs.

     

    « Pas étonnant que tu l’aies tant cherché,

    Ce bonheur auquel tu aspires !

    En effet, dans sa tanière il court se cacher

    Dès que la compagnie des autres tu commences à haïr.

     

    « La sortie du désert est plus proche que tu ne crois.

    Regarde, c’est par là !

    A droite de cette colline ensablée,

    On distingue une oasis azurée. »

     

    L’oiseau de feu s’installe sur mon épaule,

    Puis nous partons en direction du bonheur,

    Nous éloignant enfin de cette geôle

    Aux parois dénuées de couleurs.

     

    Même le soleil ardent qui s’arcboute

    Sous la tempête semble me sourire avec sérénité,

    Et depuis que j’ai croisé sa route,

    Le phénix ne m’a jamais quittée.


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  • Ecouter du jazz la nuit…

     

    Ecouter du jazz la nuit

    En déambulant dans la ville…

    Une avenue bordée de lampadaires, immobiles

    Gardiens de l’obscurité aux yeux rougis…

     

    Pas un bruit, pas une voiture qui circule…

    On est enveloppé par cette atmosphère,

    Cette ambiance si particulière

    Qui ne survient qu’au crépuscule.

     

    La flamme fugitive d’un briquet qui éclaire un instant

    La devanture d’un magasin aux volets clos,

    Comme une toute petite aurore qui éclot

    Pour annoncer l’arrivée du printemps.

     

    Ecouter du jazz la nuit,

    Une cigarette aux lèvres

    Pour calmer la fièvre

    De la lune qui s’enfuit…

     

    On s’allonge sur un banc ;

    La fumée s’élève vers l’infini

    Qui pousse des râles d’agonie

    Tout en s’asphyxiant.

     

    Lentement on ferme les yeux

    Embués par l’écume douce-amère

    De la nostalgie ; le saxo pleure de concert

    Avec les souvenirs poussiéreux…

     

    Attendant le réveil du soleil endormi,

    Telle une immense maquette de cire,

    La ville pousse un long soupir…

    Ecouter du jazz la nuit.


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  • Le tournesol

     

    Je suis un tournesol aux yeux rivés vers l’éther

    J’ai toujours eu envie de voyager

    Mais les pétales qui me servaient d’ailes se sont envolés

    Dieu sait où, m’abandonnant sur Terre

     

    Je ne pourrai jamais partir dans ce ciel fané

    Puisque je suis ancré dans un sol d’argile

    Comme une minuscule barque immobile

    Dans une mer cruelle et déchaînée

     

    Je mène une vie désespérément plate

    Inlassablement, d’un air morose,

    Je contemple les ecchymoses

    Que m’infligent les coquelicots écarlates

     

    Asséché par le sang que les hommes ne cessent de verser

    Je cherche un compagnon qui puisse me venir en aide

    Les coquelicots ont beau me frapper pour que je cède

    De cette quête il est impossible de me lasser

     

    Car dans mes veines a toujours coulé la sève

    De l’espoir ; chaque matin je me tourne vers le soleil

    Qui essuie avec tendresse mes larmes vermeilles

    Et qui me murmure : « N’abandonne jamais tes rêves. »


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  • I

     

    Ce fringant soldat

    A qui on a hypocritement dit :

    « Tu seras un héros de la patrie. »

    Est déjà dévoré par les rats.

     

    Homo homini lupus

     

    Ce tartarin au costume Giorgio Armani,

    Riche homme d’affaires de son état,

    N’ira pas donner une pièce à ce pauvre gars

    Qui dort dans les rues de Paris.

     

    Homo homini lupus

     

    Ce petit enfant africain

    Aux côtes saillantes, affamé,

    Ne verra pas le jour se lever demain

    A cause d’un chef d’Etat borné.

     

    Homo homini lupus

     

    Ce jeune homme a été expulsé de sa maison

    Pour la simple et mauvaise raison

    Que ses parents n’ont pas supporté l’idée

    Que leur propre fils soit par les garçons attiré.

     

    Homo homini lupus

     

    II

     

    Ces deux soldats, censés être ennemis,

    Et dont l’ordre est de s’entretuer,

    Ont décidé de braver les interdits

    Pour montrer la valeur de la fraternité.

     

    Fluctuat nec mergitur

     

    Cette jeune fille au lit de paille

    Dormait dans une rue gelée ;

    A force de chance et de travail,

    Elle entra dans une université.

     

    Fluctuat nec mergitur

     

    Ce brave employé de bureau

    Vient de gagner un million au loto,

    Et comme ce n’est pas un homme mesquin,

    Il va créer une ONG qui lutte contre la faim.

     

    Fluctuat nec mergitur

     

    Cette adolescente remplie à ras bord d’innocence

    A été violée par une bête sauvage,

    Mais c’est avec insolence

    Qu’elle reprend peu à peu courage.

     

    Fluctuat nec mergitur

     

    III

     

    L’Homme est un être complexe et ambigu,

    Mais son esprit dans la folie perdu

    N’est qu’une armée de neurones laconiques

    Qui échangent des informations chimiques.

     

    Homo sum : humani nihil a me alienum puto


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  • Je me réveille en sursaut, échappant à un songe sordide,

    Adossée à une montagne, au beau milieu d’une forêt ;

    Une cascade dont les eaux semblent suspendues dans le vide

    Alimentent à côté de moi une source dorée.

     

    La clairière gazouille comme une pierre tombale ;

    C’est un endroit béni par les dieux,

    Où le paisible vent hivernal

    Murmure des chants mélodieux.

     

    Je ne sais pas trop si je suis encore dans un rêve

    Ou si je suis parfaitement réveillée ;

    Afin de découvrir la réalité,

    Je me dirige vers la source à la texture de sève.

     

    Sa surface est comme protégée par une membrane,

    Telle une immense cape de soie diaphane

    Recouvrant ses eaux translucides ;

    Dans les branches des arbres chantent des sylphides…

     

    Pleine de curiosité mais un peu méfiante,

    Je contemple avec béatitude ce paysage de glace ;

    Des bulles de neige gluantes

    Semblent éclater à la surface.

     

    Soudain surgit des profondeurs une sirène.

    Elle a à peu près forme humaine,

    Mais elle a des oreilles d’elfe et des cheveux poisseux ;

    Son visage est terni par des yeux vitreux.

     

    Elle me chuchote d’une voix enchanteresse :

    « Petit être vivant aux talents de poétesse,

    Tu trouveras dans les abysses éternels

    Toute l’inspiration pour assouvir ton appétit spirituel. »

     

    Tel un Ulysse hypnotisé par une étrange créature,

    Je m’immerge dans les eaux somnolentes.

    Je frissonne, le liquide est glacial comme une armure

    D’acier ; la Muse m’encourage, bienveillante.

     

    Mes vêtements me collent à la peau, je suis transie.

    Un horrible engourdissement envahit tout mon être,

    Puis les sensations commencent à disparaître ;

    La Muse m’accompagne comme une amie.

     

    Plus elle m’entraîne, plus je m’enfonce,

    Plus les rimes pénètrent mon esprit,

    Mais l’inspiratrice eau croupie

    Lacère mes poumons comme une branche de ronce.

     

    J’étouffe je n’en peux plus il faut que je ressorte ;

    Je me débats pour me libérer de l’emprise du démon.

    Ça y est, de la surface je distingue enfin la porte,

    L’air pur brûle de nouveau mes poumons.

     

    La morsure de la désillusion déchire mon corps glacé,

    Je m’écroule sur la berge, suffocante et épuisée.

    Je me rends compte que les rimes de mon esprit ont disparu

    Et que la sirène est retournée se cacher dans les algues drues.

     

    Quand je constate que j’ai affronté les pires dangers

    Dans l’unique but d’obtenir ces précieuses rimes

    Et que j’ai échoué, je pousse un cri étranglé

    Puis de l’inconscience je sombre dans l’abîme.


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