• Le Saxophoniste - Quatrième partie [FIN]

    Et voilà, c'est la fin de la nouvelle Le Saxophoniste ! J'espère que ça vous a plu ! 

    Dès la rentrée, je commencerai une autre nouvelle~

     

    Le jeune homme soupira. Si je ne le revois pas cette nuit, j’abandonnerai. Définitivement. Et je revendrai ce saxo ; j’en tirerai au moins deux cents dollars, peut-être trois cents dans un magasin spécialisé. Naturellement, cela ne l’enchantait pas de faire du profit sur le dos du mort, mais il n’avait pas le choix : l’instrument prenait beaucoup de place et il ne savait pas en jouer, de toute façon. Peter émergea de ses pensées pour jeter un coup d’œil sur l’horloge accrochée au mur : dix heures passées. S’il partait maintenant, il ferait totalement nuit une fois arrivé aux docks.

    Peter marchait dans les rues désertes, le saxophone fixé dans son dos par une lanière. Les lampadaires éclairaient à peine le trottoir ; certains clignotaient d’une manière plutôt angoissante. Le jeune homme déglutit péniblement ; il arrivait en vue des quais. Il sentit son pouls s’accélérer à cause de l’excitation – et de la peur. Pourvu qu’il soit là… supplia-t-il. Tout à coup, tandis qu’il continuait à marcher d’un pas décidé, une voix menaçante cria derrière lui : « Hé ! Peter ! »

    Il fit volte-face ; son cœur tambourinait dans sa poitrine. Cette voix… Impossible de se tromper. Il bredouilla : « B… Blake… » Toujours aussi imposant, avec cette carrure d’athlète et ce visage carré, taillé dans le roc. Il avait l’air en colère, peut-être même plus que la dernière fois où il l’avait vu – c’est-à-dire la nuit où il l’avait passé à tabac avec ses camarades. Sauf qu’aujourd’hui, il était seul : aucun Colosse de Brooklyn ne semblait être en vue.

    Blake vociféra : « Tu es plus stupide que tu en as l’air, Peter. Tu reviens encore ici, alors que tu as passé un sale quart d’heure pas plus tard qu’il y a deux semaines ! Tu cherches tant que ça les ennuis ? » Le jeune homme recula d’un pas et tenta de s’expliquer : « Pas du tout, je… » mais il s’arrêta soudain. Il ne pouvait pas lui raconter ce qui s’était passé entre Jim et lui. Blake le prendrait pour un fou. Celui-ci continua comme s’il n’avait rien entendu : « Dis-moi, qu’est-ce que tu fais là, à une heure pareille ? Et surtout, que caches-tu dans ton dos ? »

    Peter réfléchit à toute vitesse. Etait-ce vraiment raisonnable de rester planté là ? A un contre un, il avait peut-être une chance de réussir à s’enfuir, même avec le saxophone dans le dos. Mais Blake ne lui laissa pas le temps de mettre son plan à exécution : il fut sur lui en quelques secondes et lui arracha l’instrument. Il commenta : « Tiens, c’est bizarre, de loin j’aurais cru qu’il s’agissait d’une… » Il s’interrompit brusquement. Contemplant d’un air effaré le saxophone qu’il tenait à bout de bras, il murmura après un interminable silence : « Ce n’est pas possible… »

    Le sang du jeune homme ne fit qu’un tour. Il comprit instantanément la raison du trouble de son interlocuteur : ce dernier devait sans doute avoir reconnu l’instrument qui avait appartenu à son frère disparu. Peter commença : « Je… » Il fut aussitôt interrompu par Blake, qui demanda d’une voix incroyablement calme : « Où l’as-tu trouvé ? » Le jeune homme ne répondit pas ; son cerveau carburait à toute vitesse pour trouver une réponse plus appropriée que ‘‘C’est le fantôme de ton frère qui m’a chargé de te le remettre.’’

    Il n’eut pas le temps de chercher plus longtemps. Blake hurla : « Où l’as-tu trouvé, bon sang ! » Il tomba à genoux et se mit soudain à pleurer, le saxophone  toujours entre ses bras. Ses sanglots résonnaient doucement dans l’obscurité silencieuse ; Peter devinait les soubresauts qui agitaient ses épaules. Blake berçait l’instrument comme un enfant en murmurant à travers ses larmes : « Jim… Jim… » sans parvenir à s’arrêter.

    Peter observait la scène, un peu gêné. Il ne savait pas trop quoi faire. Fallait-il qu’il le réconforte, ou bien qu’il le laisse se vider de son trop-plein d’émotion ? Soudain, pendant qu’il s’interrogeait sur la manière dont il devait intervenir, Blake arriva à articuler : « Merci… » Alors il comprit. Il s’inclina devant le garçon en pleurs, puis disparut dans la nuit.

    Tandis qu’il s’éloignait, il crut apercevoir le sourire de Jim se former dans les nuages nocturnes. Se rappelant les paroles du fantôme, il sourit à son tour.

    Il avait accompli la mission que lui avait confiée le saxophoniste. 


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