• C comme Chrysalide - Lutte nocturne

     

    Lutte nocturne

     

    L’astre d’ivoire brille depuis quelques heures,

     Plongeant toute la maison dans une réparatrice torpeur ;

     On s’étoufferait presque dans cette atmosphère silencieuse.

     Soudain, les cris perçants de ma Muse me réveillent en sursaut.

     Dans le noir se détachent ses pupilles malicieuses.

     Je veux Lui hurler : « Tais-toi ! » mais les mots

     Se coincent dans ma gorge ; Son sourire glacé

     Transperce la nuit au sommeil agité.

     

    Tel un chat de Cheshire capricieux,

     Sa silhouette colorée apparaît peu à peu.

     Comme d’habitude, Il porte un costume bleu pétrole

     Qui Lui va à merveille,

     Mais Sa peau est aussi molle

     Et pâle que le soleil.

     

    Il n’y a que Son regard fougueux qui semble allumé

     Comme des braises cachées sous des cendres.

     Il s’approche de moi, sans se presser.

     Il a toute la nuit devant Lui ; moi seule peux entendre

     Ses murmures oppressants, prisonniers de mon crâne ;

     Je me recroqueville comme une fleur qui se fane

     Pour tenter de Lui échapper mais c’est peine perdue.

     « Pourquoi me rejettes-tu ? »

     Interroge-t-Il d’une voix doucereuse.

     Contre ma joue moite, Il colle la sienne, poreuse

     Comme de l’argile ; je Le repousse violemment :

     « Tais-Toi, je T’ai rien demandé ! »

     Il prend un air faussement choqué :

     « Eh bien, quel tempérament ! »

     

    Je tourne la tête pour me dérober à Son regard.

     Tout en Lui me rend malade :

     Son parfum capiteux, Son teint blafard,

     Son ton mielleux, Son rire blasé et fade…

     

    Je soupire : « S’il Te plaît, laisse-moi dormir.

     Si demain j’ai des cernes, que penseront mes amis ? »

     Ma Muse prend un air surpris

     Et brusquement, éclate de rire.

     Puis Il se reprend et me susurre d’un air confiant :

     « Tes amis ? Arrête de t’illusionner.

     Tu sais bien que ce n’est qu’un ersatz d’amitié.

     Je suis ton seul compagnon, ton seul confident. »

     Il me lèche sensuellement l’oreille et ajoute :

     « Et ton seul amant… Tu ne peux rien sans moi. »

     Il sourit d’un air narquois ;

     Je Le gifle : « Arrête, Tu me dégoûtes ! »

     

    Un coup de pied dans le plexus solaire

     Me rappelle à l’ordre instantanément.

     Il m’attrape par les cheveux et me soulève de terre ;

     La douleur m’arrache des larmes de sang.

      

     Nous restons quelques secondes sans bouger,

     Puis Il me lâche et me repose sur le sol.

     Avec un gentil sourire, Il me donne un baiser

     Chaud comme une gorgée d’alcool.

     « Tu as compris maintenant ? »

     Demande-t-Il d’un air compatissant.

     

    Je hoche lentement la tête comme une somnambule,

     M’assois au bureau, sors une feuille de papier ;

     Des bulles d’encre éclatent dans le crépuscule.

     Ma Muse a de nouveau triomphé.

     


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