• Critique de... Le faire ou mourir

     

    Critique de... Le faire ou mourir

     

    Résumé : Damien est un garçon trop sensible, méprisé par ses copains de classe depuis toujours et incompris de ses parents. Dès l'arrivée dans son nouveau collège, il se retrouve par miracle sous la protection de la bande de gothiques et de son leader, Samy, un garçon lumineux, intelligent et doux, en dépit de son look radical. Très vite, Damien devient Dam, adopte piercings et vêtements noirs et, surtout,  trouve auprès de Samy un véritable ami, et peut-être plus, au point de déclencher des représailles chez son père, contre ces « mauvaises fréquentations ». Au fur et à mesure des pages, le lecteur découvre la profondeur de la souffrance de Dam : depuis longtemps il a pris l'habitude de se scarifier les cuisses, incapable qu'il est d'exprimer sa souffrance et sa solitude. Il lui faut chaque soir « libérer son sang » pour se sentir mieux. « Tant que je saigne, je suis vivant », dit-il. Car Dam a peur, de tout le monde et surtout de lui-même. Samy, à l'inverse, est un garçon bien dans sa tête et dans son corps, et sait dire très naturellement son attirance pour Dam. Les deux garçons finissent par s'afficher ensemble au collège et tant pis si on les traite de « lopettes satanistes ». Résistant à la colère paternelle, Dam retrouve Samy en cachette, pour parler, écouter de la musique et s'embrasser. L'amour entre les deux garçons est si puissant qu'on pourrait espérer qu'il libère Dam de sa souffrance. Le jour de son anniversaire, les deux garçons se retrouvent dans sa chambre et le titre du roman trouve enfin son explication : faire l'amour pour la première fois. Ou mourir.

     

    Résumer ce livre est une entreprise frustrante car il contient bien plus que ces mots clefs si tendance dans le roman ado : gothiques, homosexualité, scarifications. C'est un roman exceptionnel par sa justesse d'écriture, son émotion, et la fin vous laissera pantois. Pour l'anecdote, l'auteur n'a envoyé ce livre à des éditeurs que parce qu'une de ses amis l'a forcée à le faire. Elle ne croyait pas qu'il puisse intéresser quelqu'un ! 

     

    Critique : Cela faisait très, très longtemps que je n’avais pas été bouleversé à ce point par un livre (et c’est un euphémisme). Pour un premier roman, Claire-Lise Marguier frappe un grand coup avec ce petit livre qui raconte l’histoire de Damien de Carolis ou, en plus court, Dam de Caro (lire Dame de Carreau).

     

    La narration est ininterrompue, pas de guillemets, pas de sauts à ligne, pas de chapitres, mais seulement le récit de la vie de Dam. Ou la vie d’un collégien « au physique de frite molle », mal dans sa peau au possible. Personne dans sa famille ne se rend compte qu’il a des problèmes, au contraire son père ne cesse de lui faire des reproches pour un oui ou pour un non. Dam garde tout pour lui mais, pour éviter d’exploser comme une cocotte-minute, il se fait des scarifications sur les jambes, « pour se sentir vivant » comme il dit. Alors qu’il vit tant bien que mal, il rencontre Samy, qui lui redonne goût à la vie. Mais c’est une amitié, puis un amour interdit ; son père refuse que son fils fréquente cette « tapette satanique » (car oui, Samy est un gothique convaincu, et il finit par convertir Dam). Le contraste entre Dam, anorexique, mal dans sa peau et Samy, si doux et si sûr de lui, est saisissant. Pas un seul instant on ne se sent voyeur de leur relation de plus en plus ambigüe ; tout est raconté du point de vue de Dam, d’une manière très naturelle et sans passages inutiles.

     

    Ce que j’ai beaucoup apprécié dans Le faire ou mourir, ce sont les deux « fins alternatives », présentes dans le titre. Dans la « première » fin, le père de Dam survient alors que les deux garçons sont en train de passer à l’acte ; Samy est expulsé de la maison, Dam est une énième fois insulté par son père. Le jeune homme pète les plombs et, s’étant emparé d’une arme appartenant à son père, se rend à son lycée et abat une quinzaine d’élèves. Quand il se rend compte qu’à cause de ses actes il a perdu Samy, il se scarifie une dernière fois et meurt, vidé de son sang, avant que la police ne puisse intervenir. A un moment donné j’ai cru que c’était la vraie fin et j’ai pleuré comme une madeleine en me disant : « C’est trop cruel de finir le bouquin comme ça. »

     

    Heureusement, juste après il y a une « fin alternative », où tout se termine beaucoup mieux. Pas de « prise en flagrant délit », pas de pétage de plombs, pas de massacre : une prise de conscience des parents de Dam et une acceptation de sa différence. La dernière page met en lumière les perspectives d’avenir de Dam, qui rêve de devenir dessinateur. Happy end.

     

    Attention, il ne s’agit pas d’être réducteur. Il est impossible de résumer Le faire ou mourir en une phrase, surtout si cette phrase est « c’est l’histoire d’un gothique homosexuel mal dans sa peau qui se scarifie ». L’intrigue de Le faire ou mourir va beaucoup plus loin. Ce roman montre à quel point l’homosexualité est encore très mal acceptée dans notre société (il n’y a qu’à voir les réactions du père de Dam, que j’ai eu envie d’assassiner au moins cinq fois en cent pages tant il était insupportable), mais aussi à quel point il est important d’écouter un enfant. Si Dam se scarifie, intériorise toutes ses émotions, puis finit par se transformer en ouragan de folie meurtrière dans la « première fin », c’est parce que personne dans son entourage n’a su l’écouter. Enfin, Le faire ou mourir montre à quel point l’amour, même si ce n’est pas celui qu’on croit, peut illuminer la vie de quelqu’un. Et que personne, pas même les parents, n’ont le droit de s’opposer au bonheur de leur enfant, surtout si c’est à cause du « qu’en dira-t-on ». Le faire ou mourir est un hymne à la vie et à la tolérance à ne rater sous aucun prétexte.

     

    Je tiens à préciser que les mots ne suffisent pas pour dire à quel point j’ai aimé ce roman, et que la meilleure façon de vous faire un avis, c’est de le lire de toute urgence.

     


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