• La naissance des Gardiens chapitre III - Les Yeux (Deuxième partie)

     

    Comme l’avait dit Thibaut, ils arrivèrent à son appartement à peine trois minutes plus tard. Quand ils entrèrent, le vieux coach s’exclama aussitôt : « Va vite te réchauffer ! Avec toute cette sueur, tu vas attraper froid ! Tu te rappelles où est la salle de bains ? » Maxime hocha la tête silencieusement et se dirigea vers la pièce au fond du couloir. Pendant ce temps, Thibaut sortit une bouteille de soda du réfrigérateur et installa deux verres dans le salon. Maxime reparut environ dix minutes plus tard, l’air un peu plus en forme. Il murmura : « Merci encore, Monsieur… » Mais Thibaut le coupa : « Puisque je te dis que c’est rien ! » Ils s’assirent tous les deux dans les fauteuils aux ressorts fatigués du salon, puis le silence retomba.

     

    Maxime était très élancé, avec des cheveux d’un blond sale, toujours en bataille ; son visage était éclairé par des yeux d’un brun profond, presque noir, qui révélaient rarement ses émotions. Il était d’un tempérament plutôt discret, et son seul véritable intérêt semblait résider dans le basket ; ce n’était qu’au moment où il s’emparait du ballon qu’un sourire sincère étirait ses lèvres. Son père était parti Dieu sait où quand il était encore un nourrisson ; il vivait donc seul avec sa mère depuis son plus jeune âge.

     

    Thibaut était en quelque sorte devenu le père qu’il n’avait jamais vraiment connu. Le vieux coach considérait quant à lui le jeune homme comme son propre fils. Il avait perdu sa femme très tôt et n’avait pas eu d’enfant. Même si de loin il semblait toujours de bonne humeur, ceux qui le connaissaient bien savaient reconnaître dans son regard une pointe de mélancolie. Entraîner les Loups Bleus était le seul rayon de soleil de sa vie.

     

    Ils n’avaient rien d’autre au monde que le basket qui comptait vraiment pour eux, et ils s’y accrochaient comme deux nageurs à une bouée au milieu d’une tempête. Si Maxime quittait son équipe, ils en souffriraient horriblement tous les deux. Thibaut finit par proposer :

     

    -    Peut-être que si tu lui montrais une vidéo du match d’aujourd’hui, ta mère comprendrait à quel point ce serait une mauvaise décision d’arrêter maintenant ! Ce panier à la toute dernière seconde, c’était vraiment magnifique !

     

    -    Elle ne veut même en entendre parler, soupira Maxime en sirotant son soda. Pour elle, une carrière dans le basket ne m’assurera pas un salaire régulier, sans compter que je devrai prendre ma retraite sportive relativement tôt par rapport à un métier de fonctionnaire ou autre…

     

    -    Ce n’est pas un argument valable ! Tu as du talent et je suis sûr que si tu passes en pro, tu pourrais intégrer une équipe de renommée nationale ou même internationale ! Là il ne serait même plus question de salaire : tu serais riche comme Crésus !

     

    -    N’en faites pas trop quand même… rougit Maxime.

     

    -    Mais si, je t’assure ! Ecoute, tu as encore un peu de temps pour la convaincre, n’est-ce pas ? Tu en es où, pour ton orientation post-bac ?

     

    -    Puisque je vous dis qu’elle est têtue comme une mule ! Concernant mon orientation, personnellement je n’ai rien fait, mais ma mère a déjà envoyé des lettres à pas mal d’écoles et de prépas… Je suis sûre qu’elle ne se préoccupe même pas de mes goûts !

     

    -    Hum… marmonna Thibaut en se grattant la barbe d’un air indécis. Je pourrais peut-être t’accompagner pour faire valoir mes arguments… Elle écoutera sans doute ton entraîneur !

     

    A ces mots, Maxime éclata de rire. Il réussit à articuler, le souffle court : « J’aimerais bien voir ça, tiens ! » Puis il se reprit et il afficha de nouveau un air soucieux. Il ajouta : « Sans blague, même à nous deux nous aurions du mal à la convaincre de changer d’avis. Elle a une volonté inébranlable, et quand elle a une idée en tête c’est fini : impossible de revenir en arrière. La seule solution consisterait à continuer le basket tout en allant à la prépa, mais c’est physiquement inenvisageable : se maintenir dans le sport de haut niveau tout en ayant de bonnes notes dans une école prestigieuse relève du miracle… »

     

    Faire ce constat était plutôt douloureux. Thibaut demanda : « Et tes professeurs ? Ils en pensent quoi ? » Maxime balaya la question de la main ; il semblait encore plus bouleversé qu’auparavant. Il se leva soudain et déclara d’un air sombre : « Il se fait tard, je devrais rentrer. Vraiment merci pour m’avoir laissé me reposer ici. Ne vous en faites pas, je ne vous lâcherai pas pour la finale, hein… Je vais essayer encore une fois de persuader ma mère de continuer le basket, mais je vous préviens, ça risque d’être une nouvelle tentative infructueuse… » Thibaut le regarda d’un air surpris, mais le laissa sortir. Il déclara : « Fais de ton mieux, et surtout ménage-toi pour la finale de demain ! Prends soin de toi ! » Maxime hocha la tête de nouveau, mais il ne l’écoutait déjà plus. Il disparut dans l’ascenseur.

     

    L’appartement dans lequel il vivait avec sa mère se situait à deux pâtés de maison de celui de Thibaut. Le trajet était donc largement faisable à pied, mais Maxime avait déjà dans les jambes un match épuisant de quarante minutes, et il n’avait pas vraiment eu le temps de se reposer chez le vieux coach. Il décida donc de prendre son temps pour rentrer chez lui, histoire de ne pas se blesser bêtement avant la finale. Tout en marchant, il se demandait comment il allait bien pouvoir expliquer son retard à sa mère ; il aurait dû revenir une grosse demi-heure plus tôt.

     

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    La suite le samedi 1er décembre !


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